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Hémorragie intra ventriculaire après rachianesthésie : A propos de 1 cas au CHU « Le Luxembourg »de Bamako

Mahamadoun COULIBALY1, Mamadou Karim TOURE1, Joseph KONE1, Siriman KOITA1, Ousmane NIENTAO2, Aminata DABO1, Dieneba DOUMBIA3, Djibo Mahamane DIANGO4, Youssouf COULIBALY3.

1. Service d’anesthésie-réanimation CHU mère enfant « Le Luxembourg» Bamako, 2. Service d’anesthésie-réanimation CHU CNOS (centre national d’odonto-stomatologie) Bamako, 3. Département d’anesthésie-réanimation CHU du « Point G » Bamako, 4. Département d’anesthésie-réanimation CHU Gabriel TOURE Bamako.

Résumé (Français):

L’hémorragie intra ventriculaire est une situation rare après une ponction lombaire. Aussi les symptômes d’une hémorragie intra crânienne secondaire à une ponction lombaire sont des céphalées classiquement bilatérales sévères, constrictives, occipitales, occipito-frontales ou diffuses. Dans ce travail un cas d’hémorragie intraventriculaire après rachi anesthesthésie survenue chez une patiente âgée de 34 ans sans antécédent notable. Elle a admise pour cure chirurgicale d’un utérus polymyomateux sous rachianesthésie dont les suites opératoires immédiates étaient simples d’où sa sortie à J4 du post-opératoire ; 48 heures après sa sortie soit J6 du post opératoire, elle sera réadmise dans un tableau d’état de mal épileptique motivant la réalisation d’un scanner cérébrale qui objective une hémorragie intra ventriculaire avec hémorragie méningée. La prise en charge a été médicale à base de : Nimodipine,rehydadation,sédation au thiopental avec ventilation mecanique. L’évolution était favorable en quatre (4) jours. L’hémorragie sous-durale intracrânienne (HSD) qui est similaire à notre cas, demeure une complication exceptionnelle, de l’ordre de 1/500 000 à 1 million. Une revue de la littérature récente a recensé 25 cas d’HSD consécutifs à une rachianesthésie. Un diagnostic précoce et une intervention rapide ne doivent souffrir d’aucun retard afin de minimiser le risque de complications.

Mots clés: Rachianesthésie ; Hémorragie intra ventriculaire, Neurologie
Summary (English):

Intraventricular hemorrhage after lumbar puncture was a rare situation reported in the literature. Beside the frequent symptoms remained headache classically bilateral, severe, constrictive, occipital, fronto-occipital or diffuse. Here, we reported a case of intraventricular hemorrhage after spinal anesthesia of a 34-year old woman with no remarkable medical history. She was admitted for uterus polymyomatous surgery under spinal anesthesia. The immediate postoperative course was uneventful, and the patient was discharged home. However, on the sixth postoperative day, she was re-admitted with epilepticus symptom. Computerized tomographic scan revealed an intraventricular hemorrhage with subarachnoid hemorrhage. The patient was placed on medical treatment in the intensive care unit, with a good response, and was discharged home after four days.
Although subdural hematoma (SDH) which was similar to our case, is very rarely reported in the literature. It is estimate to 1 case for 500 000 to 1 million. A recent literature review identified 25 cases of SDH following spinal anesthesia. A rapid diagnosis and management are required, without any delay, in order to minimize the risk of complications which could otherwise be catastrophic. The use of smaller-diameter needles seems to guarantee some amount of safety.

Keywords: Rachianesthesia; intraventricular Hemorrhage, Neurology.
Adresse de correspondance:

Dr Mahamadoun Coulibaly, Praticien hospitalier, Maitre-assistant en anesthésie-réanimation. Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. , Tel : +223.64.57.59.50

Introduction :
Les hémorragies intra crâniennes au décours d’une ponction lombaire ont été décrites dans plusieurs documents à travers la littérature, la quasi-totalité de ces cas concerne des hématomes sous duraux qui peuvent avoir des symptomatologies ou des délais d’apparitions différentes [1-6] . Les céphalées sont pratiquement constantes dans toutes les complications neurologiques après ponction lombaire, celle secondaire à une brèche méningée est classiquement bilatérale sévère, constrictive, occipitale, occipito-frontale ou diffuse, avec des irradiations dans la nuque, dans le dos et parfois aux épaules [7], elle est posturale ou positionnelle et apyrétique ; est presque inexistante, calmée ou améliorée par le décubitus dorsal, et est déclenchée ou exacerbée lors du passage en orthostatisme. Les éléments de suspicion clinique d’hémorragie intra crânienne après rachianesthésie sont la disparition de la nature posturale et l’apparition de signes d’hypertension intracrânienne : troubles de conscience, vomissements, convulsions, hémiplégie et diplopie [8]. Aucun cas d’hémorragie intra ventriculaire et ou méningée n’a été trouvé à travers notre recherche bibliographique ce qui fait l’intérêt de notre cas qui permet en outre de rappeler au praticien les signes imminents d’une complication intra cérébrale après rachianesthésie.
Observation médicale
Nous rapportons l’observation d’une patiente âgée de 34 ans sans antécédent notable adressée en consultation pré anesthésique pour polymyomectomie. L’anamnèse retrouve une notion de métrorragies depuis deux (2) semaines associées à des douleurs pelviennes type de pesanteur, l’examen clinique trouvait des conjonctives décolorées, elle était tachycarde à 110 battements/minutes, le reste des constantes vitales étaient sans particularité, le bilan biologique trouvait un taux d’hémoglobine à 9g/dl, elle était du groupe B rhésus positif. La patient fût classée ASA I, et était candidate à une rachianesthésie pour le geste chirurgical. Elle a été mise sous fer en préopératoire et a été informée d’une éventuelle transfusion en per opératoire.
Au bloc opératoire, après installation, monitorage et pré remplissage par 500 cc de cristalloïde, la rachianesthésie faite par un senior (médecin anesthésiste spécialiste) était facile après une seule tentative en position L4, par une aiguille de rachianesthésie type Quincke 24 Gauge. Nous avons utilisé de la Bupivacaine (10 mg) et 100 micg de morphine en intratéchale. Le geste chirurgical s’est passé sans incident a duré 2h00 et a consisté à une poly myomectomie. L’hémodynamique préopératoire était caractérisée par la persistance de la tachycardie, ce qui a motivé la transfusion de 2 (deux) culots globulaires, le saignement était de moins de 500 cc. La patiente a été observée en SSPI puis transférée au service de Gynécologie sous protocole d’analgésie par : Nefopam / Paracétamol ; et de thromboprophylaxie (à 6 h de la chirurgie et après NFS de contrôle par Enoxaparine : 0,4 /jour).A J2 du post opératoire la patiente a présenté des céphalées intenses associées à une cervicalgie pour lesquelles, un repos stricte au lit a été conseillé elle a été mise sous schéma de réhydration et traitement antalgique à base de paracétamol et caféine ; l’évolution était favorable d’où sa sortie de l’hôpital à J4 du post opératoire. A J6 Du post opératoire, elle fût réadmise dans notre service pour état de mal épileptique de survenue brutale après des prodromes (céphalées intenses d’après la famille) après mise en condition, et administration d’une dose de charge de Phénobarbital, une TDM cérébrale réalisée en urgence trouvait une hémorragie méningée minime avec un saignement intra-ventriculaire intéressant les ventricules latéraux droit et le 3ème ventricule sans signes d’hypertension intra crânienne ou d’hydrocéphalie (FIGURES 1,2,3) .

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La poursuite de la dose d’entretien de phénobarbital était de mise ; la patiente a été mise sous Nimodipine ; traitement des céphalées et autres mesures symptomatiques. A 48 heures de son admission, nous avons réalisé un angioscanner cérébral à but étiologique (Par défaut Artériographie ou d’angio RM) qui est parfaitement normale (axes vasculaires de calibre et de morphologie normales) (FIGURES 4,5,6). L’évolution était favorable , elle est sortie de la réanimation et transférée au service de neurologie après 4jours d’hospitalisation.

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Discussion
Aucun cas d’hémorragie intra ventriculaire ou méningée n’a été retrouvé à travers la littérature et l’hématome sous-dural intracrânien (HSD) qui est similaire à notre cas, demeure une complication exceptionnelle, de l’ordre de 1/500 000 à 1 million [1]. Certaines complications des ponctions lombaires et en particulier de la rachianesthésie, sont bien documentées. Une revue de la littérature récente a recensé 25 cas d’HSD consécutifs à une rachianesthésie [9], l’âge des patients variait entre 20 et 88 ans, la ponction était réalisée avec des aiguilles de calibre allant de 19 à 27 G, vingt (20) patients ont nécessité un traitement chirurgical avec un taux de mortalité de 20 %.
La céphalée et autres manifestations cliniques secondaires à la brèche méningée sont liées à la baisse de la pression intracrânienne du LCR [7]. En raison du gradient de pression entre l'espace sous-arachnoïdien et l'espace péridural (40 à 50 cmH2O en position assise), le LCR s'écoule en fonction du diamètre de la brèche et de la pression hydrostatique, d'où le caractère postural des céphalées et des éventuels signe d'accompagnement.
La disparition de la nature posturale de ces céphalées et l’apparition de signes d’hypertension intracrânienne doivent faire craindre une complication et motiver la réalisation sans délai d’une imagerie cérébrale (TDM, Angio RM) ou Doppler Trans crânien devant l’urgence [10]. Dans les cas où l’imagerie est sans particularité, un repos strict au lit avec traitement antalgique (Paracétamol+caféine) et remplissage vasculaire est la règle, quelques cas de céphalées post brèches durales peuvent nécessiter la réalisation de Blood Patch qui donne de très bons résultats [11]. La plupart des cas d’HSD survenant au décours d’une ponction lombaire sont attribués à l’usage d’aiguilles de gros calibre, à noter que [10] a décrit un cas d’hématome sous dural fatal après rachianesthésie par aiguille de très petite taille (G27) ,ils expliquaient la pathogénie de la survenue de l’hématome par autres facteurs de risque non liés à la taille de l’aiguille de ponction entre autre la thromboprophylaxie par héparine de bas poids moléculaire même si cette causalité reste à être confirmer. La presque totalité des auteurs [1-7] est unanime sur la pathogénie de ces accidents hémorragiques post ponction lombaire et serait expliquée par la fuite du LCR lors de la ponction et sa persistance pendant les jours suivants, ce qui aboutit à un collapsus ventriculaire qui tend à détacher l’encéphale de la dure-mère à laquelle il est suspendu par des veines ponts, dont la rupture serait à l’origine de l’hématome ou de l’hémorragie. Un certain nombre de facteurs sont reconnus comme pouvant favoriser ou aggraver la fuite du LCR et par conséquent provoquer ou pérenniser le saignement : usage d’aiguille de gros calibre (notre observation), répétition des tentatives de ponction, toux, défécation, poussées lors des contractions utérines chez la parturiente, atrophie cérébrale et déshydratation qui favorisent le collapsus du système encéphale – ventricules, existence de troubles de la coagulation ou de prise d’anticoagulants et antécédent de traumatisme crânien récent

Conclusion:

Les céphalées sévères et progressives au décours d’une rachianesthésie doivent être considérées comme un signe d’avertissement d'une complication intracrânienne surtout lorsqu’elles changent de symptomatologie. Un diagnostic précoce et une intervention rapide ne doivent souffrir d’aucun retard afin de minimiser le risque de complications qui pourraient être catastrophiques. Pour plus de sécurité, l’utilisation d’aiguilles de petits diamètres doit être encouragée afin de réduire ces événements hémorragiques après rachianesthésie.

Références:

[1] Alilou, M., Halelfadl, S., Caidi, A., Kabbaj, S., Ismaili, H., & Maazouzi, W. Une nouvelle observation d’hématome sous-dural chronique intracrânien au décours d’une rachianesthésie. In Annales francaises d'anesthesie et de reanimation. 2003, June(Vol. 22, No. 6) : 560.
[2] Acharya, R., Chhabra, S. S., Ratra, M., & Sehgal, A. D. Cranial subdural haematoma after spinal anaesthesia. British journal of anaesthesia,2001: 86(6), 893-895.
[3] Vaughan, D. J., Stirrup, C. A., & Robinson, P. N. Cranial subdural haematoma associated with dural puncture in labour. British journal of anaesthesia, 2000. 84(4): 518-520.
[4 Velarde CA, Zuniga RE, Leon RF, Abram SE. Cranial nerve palsy and intracranial subdural hematoma following implantation of intrathecal drug delivery device. Reg Anesth Pain Med. 2000;25(1):76 8
[5] Mantia AM. Clinical report of the occurrence of an intracerebral hemorrhage following post-lumbar puncture headache. J Am Soc Anesthesiol. 1981;55(6):684 5.
[6] Cantais E, Behnamou D, Petit D, Palmier B. Acute subdural hematoma following spinal anesthesia with a very small spinal needle. J Am Soc Anesthesiol. 2000;93(5):1354 5.
[7] Schievink WI. Spontaneous spinal cerebrospinal fluid leaks and intracranial hypotension. Jama. 2006;295(19):2286 96.
[8] Machurot P, Vergnion M, Fraipont V, Bonhomme V, Damas F. Intracranial subdural hematoma following spinal anesthesia: case report and review of the literature. Acta Anaesthesiol Belg. 2010;61(2):63 6.
[9] Zeidan A, Farhat O, Maaliki H, Baraka A. Does postdural puncture headache left untreated lead to subdural hematoma? Case report and review of the literature. Int J Obstet Anesth. 2006;15(1):50 8.
[10] Cantais E, Behnamou D, Petit D, Palmier B. Acute subdural hematoma following spinal anesthesia with a very small spinal needle. J Am Soc Anesthesiol. 2000;93(5):1354 5.
[11] Tafer N, Perrier V, Racioppi L, Biais M, Quinart A, Revel P, et al. Hématome sous-dural aigu intracrânien après rachianesthésie traité par blood patch. In Elsevier; 2008. p. 160 2.

Citer l'article: COULIBALY M1, TOURE MK1, KONE J1, KOITA S1, NIENTAO O2, DABO A1, DOUMBIA D3, DIANGO DM4, COULIBALY Y3. Hémorragie intra ventriculaire après rachianesthésie : A propos de 1 cas au CHU « Le Luxembourg »de Bamako. Remapath 2017;2:2-6.
Classé dans : REMAPATH N°2