REMAPATH

La morphine à faible dose en intrathécale dans la prise en charge de la douleur post opératoire en gynéco-obstétrique : étude préliminaire

Mamadou K TOURE1; Mahamadoun COULIBALY1 , Hamadoun DICKO2, Joseph KONE1 , Hicham KECHNA3; Falaye KEITA4, ,Seydina A BEYE5. Daouda MINTA6; Diango MDJIBO7; Abdoulaye DIALLO8

1Service d’anesthésie et de réanimation- CHU Mère enfant, Bamako, Mali. 2Service d’anesthésie et de réanimation- CHU-Point G Mali, 3Service d’anesthésie et de réanimation, Hôpital Militaire de Mekhnès Maroc, 4Faculté de Médecine de Bamako, Mali, 5Service d’anesthésie et de réanimation, Hôpital Régional de Ségou Mali, 6Service d’Infectiologie CHU Point G Bamako, Mali, 7Service d’anesthésie et de réanimation CHU Gabriel Touré de Bamako, Mali, 8Service d’anesthésie et de réanimationAOS Bobo Djoulasso Burkina Faso.

Résumé (Français):

Notre travail avait pour but d’évaluer l’intérêt de l’administration d’une faible dose de morphine en sous arachnoïdienne au cours d’une chirurgie pelvienne. Il s’agissait d’une étude prospective de 6 mois, ayant inclus les patientes opérées pour chirurgie pelvienne en gynéco-obstétrique justiciable d’un séjour soit en soins attentifs, ou en unité de soins intensifs n’ayant pas de contre-indication ni à la rachianesthésie ni à l’administration de la morphine. Au total120 patientes majoritairement jeunes ont été colligées, avec une moyenne d’âge de 24+/-6 ans. Les principales indications chirurgicales ont été la myomectomie (62.5%), la césarienne (30%). L’EVA à l’admission en SSPI était entre 0 et 3, chez 82, 3% des patientes. On note également une stabilité hémodynamique chez l’ensemble des patientes depuis l’admission jusqu’à H48. La fréquence respiratoire était stable durant les 48 heures post opératoire chez l’ensemble des patientes. Les effets secondaires observés ont été dominés par les NVPO (6,6%), et le prurit (1,6%). Nous n’avons pas observé de détresse respiratoire et de trouble de transit. La grande majorité des patientes sont satisfaites ou très satisfaites de la rachianalgésie. La rachianalgésie à faible dose de morphine apparait efficace, économique dans notre contexte, avec peu d’effets secondaires.

Mots clés: Analgésie, Morphine, gynéco-obstétrique
Summary (English):

The aim of our work was to evaluate the benefit of administering a low dose of subarachnoid morphine during pelvic surgery. This was a prospective 6-month study, including patients undergoing surgery for pelvic surgery in gyneco-obstetrics subject to a stay in acute care, or intensive care unit with no contraindications or spinal anesthesia or the administration of morphine. In total, 120 predominantly young patients were collected, with an average age of 24 +/- 6 years. The main surgical indications were myomectomy (62.5%) and caesarean section (30%). The EVA at admission to SSPI was between 0 and 3, in 82.3% of patients. There is also hemodynamic stability in all patients from admission to H48. The respiratory rate was stable during the 48 hours postoperatively in all patients. The observed side effects were dominated by PONV (6.6%), and pruritus (1.6%). We did not observe respiratory distress and transit disorder. The vast majority of patients are satisfied or very satisfied with rachianalgesia. Low-dose morphine rheumatoid arthritis appears effective, economical in our context, with few side effects.

Keywords: Analgesia, Morphine, Gyneco-obstetrics
Adresse de correspondance:

Mamadou Karim Touré, e-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

INTRODUCTION
Depuis près de 30 ans, l’administration d’opiacé dans l’espace sous durale est une technique utilisée dans le but de prévenir la douleur consécutive à une chirurgie. L'administration d'un bolus par voie sous-arachnoïdienne de la morphine reste une situation à risque [1,2]. Il a été ainsi possible de définir que de faibles doses de morphine 0,1 mg permettaient chez une femme jeune sans facteur de risque d'obtenir une analgésie prolongée en moyenne de 12 heures (extrêmes 4-24 h) sans retentissement clinique ni para clinique sur des tests évaluant la fonction respiratoire. Notre travail a pour but d’évaluer les bénéfices ainsi que les effets indésirables de l’administration sous durale de la morphine à faible dose, en péri opératoire chez des patientes opérées pour une chirurgie gynéco obstétricale au sein notre structure.

PATIENTS ET METHODE
Nous avons réalisé une étude prospective, descriptive transversale, étalée sur 6 mois (Janvier – Juin 2011), au centre hospitalier mère enfant «Hôpital de 3ème référence» de Bamako incluant les patientes opérées pour chirurgie gynéco-obstétricale justiciable d’un séjour soit en soins attentifs, ou en unité de soins intensifs n’ayant pas de contre-indication ni à la rachianesthésie ni à l’administration de la morphine. L’injection intrathécale est faite au niveau de L3-L4 ou L4-L5. Le geste est précédé d’une anesthésie locale de la peau. Le liquide devrait être clair et sans présence de sang. Les patientes ont été toutes piquées en position assise. La dose administrée de sulfate de morphine était de 100 μg associée à la bupivacaïne 5%à la dose de 10 mg quelle que soit l’indication opératoire.
En post opératoire, le paracétamol injectable a été administré à la posologie de 15mg/kg chaque 6 heures dès la levée du bloc moteur.
La morphine par titration a été administrée dès que l’EVA était supérieure ou égale à 4.

Les Paramètres étudiés en post opératoire étaient:

  • L’échelle Visuelle Analogique (EVA) en H0 puis repris en H1, en H2, H4, H6, H8, H12, H24 et H48 ;
  • La tension artérielle,
  • La fréquence cardiaque,
  • La fréquence respiratoire et la SpO2.
  • Les effets secondaires comme :(le prurit, les nausées vomissements, la détresse respiratoire, la reprise du transit).
  • La satisfaction de la patiente qui était composée en : très satisfaite, satisfaite, ou non satisfaite.

RESULTATS
Au total 120 patientes ont répondu aux critères de notre étude. La majorité des patientes était de sujets jeunes, avec une moyenne d’âge de 24+/-6 ans ; et des extrêmes allant de 21 à 62 ans. La majorité des patientes avait un antécédent chirurgicalTableauI.
Toutes les patientes ont eu à l’admission et ont gardé une saturation supérieure à 90% pendant les 48 heures de surveillance fig1. Toutes les patientes ont gardé une fréquence respiratoire stable durant les 48 heures post- rachianalgésie fig2.
Une tendance à la stabilité de la PAS statistiquement significative P=0,001, a été observée avec PAM entre 65 et 130 mmHg Fig3.
On note également une tendance générale à la stabilité de la Pression artérielle diastolique chez l’ensemble des patientes (entre 65 et 130 mmHg) depuis l’admission jusqu’à H48 Fig4.

L’EVA à l’admission au service était entre 0 et 3 chez 82, 3% des patientes et chez 13,2% entre 7 et 10 et 4,5% entre 4 et 6. Sur une évolution de 24 à 48 heures, on note une tendance statistiquement significative à la baisse avec un p = 0,001. Fig5Figure5
La non satisfaction a été majoritairement retrouvée entre H0 et H1 (Tableau IV).
En post-opératoire, 66,67% de nos patientes n’ont pas eu de besoin additionnel en morphine par titration. La dose maximale de morphine reçue par une patiente a été de 14mg avec une moyenne de 2.24mg (Tableau V).
Les nausées et vomissements ont été les effets secondaires majoritairement survenus. Aucun cas de détresse respiratoire et n’a été décrit dans notre étude (Tableau III).

DISCUSSION
Dans notre contexte, l’anesthésiste se retrouve en face d’un paradoxe : assurer la meilleure analgésie aux patients, la plus efficace, la moins délétère, la plus économique en prenant en compte la disponibilité des produits anesthésiques, la disponibilité du personnel, et en matériel de monitorage adapté à chaque technique avec la nécessité de structures de surveillance post opératoires adaptées aux normes internationales.
La rachianalgésie reste une technique simple, nécessitant peu de moyens pour sa réalisation, avec peu d’effets secondaires graves, amenant à une consommation moindre de morphine par voie intraveineuse, et ne nécessitant pas une surveillance de longue durée. Notre travail a porté sur la chirurgie gynéco-obstétricale chez 120 patientes majoritairement jeune avec un âge moyen de 24+/-6 ans et des extrêmes allant de 21 à 62 ans, la classe ASA I a été majoritaire avec 50.84%. La myomectomie a été l’intervention la plus pratiquée 62.5%, suivie de la césarienne 30%. Nos patientes ont bénéficié d’une rachianalgésie à la morphine à la dose de 100μg, administrée concomitamment avec la bupivacaïne 0,5% à la dose uniforme de 10 mg. Schématiquement, dans la littérature, il a été proposé 100μg à 200μg pour les interventions sous-ombilicales, 300μgpour les interventions sus-ombilicales et 400μgà 500μgpour les interventions thoraciques. L’étude de Fletcher and C. Jayr, atteste que seule une dose égale à 100μg de morphine intrathécale est potentiellement utilisable sans surveillance spécifique [3].D’autres études attestent que la rachianalgésie permettrait de réduire le stress chirurgical et faciliterait les suites opératoires en améliorant l'analgésie peropératoire et postopératoire [4]. Elle réduirait de 73 % les consommations de morphine avec une analgésie améliorée au repos pendant 11 heures et au mouvement pendant 8 heures ; avec une réduction importante de la morbidité postopératoire (thromboembolique, respiratoire, ischémique) et de la mortalité postopératoire [5-6-7]. Une autre étude insiste par contre sur l’importance d’un relais nécessairement anticipé en analgésique non morphinique à la demande ou contrôlé [3].
Dans notre étude, 77,3% des patients avaient une EVA à l’admission en salle de surveillance post interventionnelle entre 0 et 3 ; 18,2% entre 7 et 10 et 4,5% entre 4 et 6.Sur une évolution de 24 à 48 heures, on note une tendance statistiquement significative à la baisse. Ces résultats concordent avec ceux retrouvés dans la méta-analyse [11].Concernant la consommation totale de morphine, plus de la moitié des patientes (66.7%) n’a pas eu besoins de titration de morphine par voie intraveineuse, 30 patientes (soit 25%) ont bénéficié d’une faible dose de morphine (< 4 mg) contre 10 patientes soit 8.3% qui ont reçu une dose de morphine en intraveineuse supérieure à 4 mg. La dose maximale de morphine en intraveineuse reçue par une patiente était de 14 mg avec une moyenne de 2,24mg pour toutes les patientes confondues. Nos résultats appuient l’idée de la littérature montrant l’intérêt de la rachianalgésie dans la diminution de la douleur postopératoire et dans la réduction de la consommation de morphine intraveineuse en post opératoire. L'incidence des effets secondaires a été évaluée de façon fiable soit dans des séries cliniques de grande ampleur, soit grâce à des revues concernant l'analgésie intrathécale en obstétrique [8-9-10]. Globalement, les effets sont dose-dépendants et l'incidence décrite ici sera toujours rapportée à la dose utilisée. Le prurit semble l'effet secondaire le plus fréquent avec 43 % des patientes en obstétrique, suivi de près par les vomissements (12 % des patientes) et les nausées (10 % des patientes). La population obstétricale majore sans doute l'incidence de ces effets secondaires puisque les troubles digestifs induits par les morphiniques sont toujours plus fréquents dans cette population [3-11]. Les effets secondaires retrouvés dans l’étude de Capdevila X et al étaient de 70 % de nausées-vomissements, 70 % de rétention urinaire et 40 % de prurit [12-13]. Une autre étude juge que le prurit est l'effet secondaire le plus fréquent avec 43 % des patientes en obstétrique, suivi de près par les vomissements. Selon cette analyse l’incidence de la dépression respiratoire est de 3 % [11].Dans notre étude, on retrouve le prurit dans 9,1%, les nausées et vomissements post opératoires dans 36,4%, et aucune patiente n’a présenté de détresse respiratoire (pas de désaturation avec des fréquences respiratoires stables). La rétention d’urine n’a pu être étudiée, toutes nos patientes compte tenu des indications opératoires, étaient toutes porteuses d’une sonde urinaire. La stabilité hémodynamique était de mise chez toutes les patientes (Fréquence cardiaque et pressions artérielle systolique et diastolique stables).Il n'en reste pas moins que ces effets secondaires sont à mettre en balance avec le bénéfice analgésique obtenu dans la majorité des cas avec une meilleure tolérance en utilisant des techniques analgésiques classiques. Dans notre étude la grande majorité des patientes sont satisfaites ou très satisfaites de la rachianalgésie (Tableau III).La non satisfaction des patientes a été retrouvée surtout à HO soit à l’admission de la patiente en salle de surveillance post interventionnelle. Ce qui pourrait être expliqué par le fait que l’effet antalgique du sulfate de morphine en intrathécal commence environ 30 à 60 minutes après l’injection , avec une efficacité maximale entre une à deux heures suivant l’administration alors que certaines patientes ont été admise en salle de surveillance post interventionnelle dans des délais inférieurs. Sur ces résultats, nous pouvons affirmer que la morphine en intrathécal est donc une technique analgésique adaptée dans notre pratique quotidienne, pouvant trouver sa place dans la stratégie analgésique si l’on sait adapter ses contraintes aux besoins.

CONCLUSION
La rachianalgésie morphiniqueà faible dose semble etre une technique analgésique efficace dans le postopératoire immédiat sans recours excessif à d’autres antalgiques. Elle est simple, à moindre cout et satisfaisante. La surveillance se fait au service avec le bénéfice d’un retour rapide au service initial.

Conflits d’intérêts
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts

Contributions des auteurs
Dr Mamadou Karim a initié l’étude, fait la collecte et traitement des données, et a participé à la rédaction.
Les autres auteurs ont participé à la discussion et la correction.

Références:

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Illustration 1: TableauII
Illustration 2: TableauIII
Illustration 3: TableauIV
Illustration 4: TableauV
Illustration 5: Figure1
Citer l'article: Toure MK; Coulibaly M ; Hamadoun Dicko ;Kone J, Kechna H; Keita F, ,Beye SA. Minta D; Djibo DM; Diallo A. La morphine à faible dose en intrathécale dans la prise en charge de la douleur post opératoire gynéco obstétrique :étude préliminaire .Remapath 2018;3:6-9.
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Classé dans : REMAPATH N°3