REMAPATH

Hématome épidural cervical traumatique rapidement résolutif : cas clinique et revue de la littérature

DIALLO Moussa1, TOKPA A 2, SOGOBA Youssouf 1, DIALLO Oumar3, KANIKOMO Daouda1

1 Service de neurochirurgie, CHU Gabriel Touré, Bamako, 2 Service de neurochirurgie, CHU de Bouaké, RCI, 3Service de Neurochirurgie CHU hôpital du Mali, Bamako.

Résumé (Français):

L’hématome épidural cervical isolé post traumatique est rare. C’est une affection grave qui peut être responsable de handicap sévère parfois irréversible. Le traitement est habituellement chirurgical. Dans de rare cas une abstention chirurgicale est proposée. Les limites entre la chirurgie et le traitement conservateur ne sont pas bien claires. Nous rapportons notre observation sur un cas de régression rapide et spontanée d’un hématome épidural cervical traumatique à travers laquelle nous avons effectué une revue de la littérature.
Observation clinique :
Il s’agissait d’un jeune patient de 17 ans, sportif et sans antécédents qui a présenté des cervicalgies survenues à la suite d’une compétition de karaté. La survenue d’une monoparésie brachiale droite avait permis de faire le diagnostic d’un hématome épidural cervical de C1 à C3. Après quatre d’hospitalisations, il a présenté une régression des symptômes cliniques avec à l’imagerie une disparition complète de l’hématome. Sur un suivi de 2 ans, l’évolution était sans particularité.
Conclusion : L’indication d’une évacuation chirurgicale de l’hématome épidural cervical doit être basée sur de solides arguments cliniques et radiologiques. Bien que rare, des cas de résolution sous traitement conservateur peuvent exister.

Mots clés: rachis cervical, hématome épidural, résolution rapide, traumatisme
Summary (English):

The isolated cervical epidural hematoma after spine trauma is rare. It is a serious affection because it can lead to a severe handicap sometimes irreversible. The treatment is usually surgical. The frontiers between surgery and conservative treatment are not well defined. We report our observation on a case of regression of traumatic epidural hematoma through which we conducted a review of the literature.
Clinical observation:
We report the case of the 17-year-old male patient who had a cervical injury due to a sports accident. The cervical spine pain and neurological disorders in the right upper limb were used to diagnose a cervical epidural hematoma C1 to C3. He presented a clinical spontaneous resolution of his hematoma in 4 days confirmed by medical imagery. On a 2 years follow-up, the evolution was no particularity.
Conclusion: The indication for cervical epidural hematoma surgery should be based on strong clinical and radiological evidence. Although rare, cases of resolution under conservative treatment exist.

Keywords: cervical spine, epidural hematoma, rapid resolution, trauma
Adresse de correspondance:

Moussa DIALLO, Faculté de médecine et d’Odonstomatologie, Université des Sciences, des Techniques et Technologiques de Bamako, BP : 1204. Téléphone : +223 9987 870 3, Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

INTRODUCTION
L’hématome épidural cervical traumatique sans lésions vertébrales ou discoligamentaires n’est pas fréquent [1 ; 2]. Dans certains contextes cliniques, il constitue une urgence thérapeutique. La chirurgie est le plus souvent indiquée même si quelques rares cas de régression spontanée ont été rapportés. Les frontières entre la chirurgie et le traitement conservateur ne sont pas bien claires. Ici nous rapportons le cas d’un hématome épidural cervical traumatique spontanément et rapidement régressif. Des enseignements tirés de cette expérience qui a abouti au bout d’un mois à une résorption rapide clinique et radiologique de l’hématome, nous nous proposons de faire une mise à jour des données actuelles à travers une revue de la littérature.

OBSERVATION CLINIQUE
Il s’agissait d’un jeune sportif de 17 ans, sans antécédents, hospitalisé en urgence pour des cervicalgies et une faiblesse au membre supérieur droit. Ces symptômes sont apparus quelques minutes après une compétition d’art martial (karaté). L’examen clinique à son admission à l’hôpital a trouvé un patient conscient qui se plaignait de cervicalgies intenses associées à un déficit moteur au membre supérieur droit coté à 4/5, de paresthésie à type de fourmillement dans le territoire de C5 droit. Les réflexes ostéo-tendineux étaient vifs aux 4 membres. Les signes de Babinski était présent et bilatéral et Hoffmann absent. Le patient était classé ASIA.D. La tomodensitométrie (TDM) du rachis cervical réalisée dans ce contexte, a mis en évidence une collection épidurale cervical antérolatérale droite. Celle collection spontanément hyperdense faisait évoquer un hématome épidural qui s’étendait de C1 à C3 avec un effet de masse sur la moelle cervicale (Figures 1 : A, B). Il n’y avait pas de fracture vertébrale ou de luxation rachidienne cervicale. Le bilan biologique réalisé n’avait pas trouvé de trouble de la coagulation. La localisation de l’hématome et le caractère pauci-symptomatique du patient avaient amené à proposer un traitement conservateur sous surveillance médicale. Un collier cervical a été mis en place associé à un traitement antalgique de palier 2 toutes les 6 heures, puis la Gabapentine 300 mg toutes les 8 heures et de la kinésithérapie motrice des membres supérieurs. Deux jours plus tard, le patient avait rapporté une régression du déficit moteur et des fourmillements au membre supérieur droit. Au quatrième jour du traumatisme, il ne présentait aucun déficit ni sensitif ni moteur. Seule persistait une légère cervicalgie pour laquelle il prenait un antalgique de palier 1. L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) du rachis cervicale réalisée a trouvé une résorption complète de l’hématome et une absence de lésions discoligamentaires (Figures 2 : C). Une ablation du collier cervical a été réalisée et le patient est sorti de l’hospitalisation pour un retour à domicile. Le suivi à 6, 12, 18 et 24 mois trouvait un patient cliniquement en bonne santé sans séquelles.

DISCUSSION
L’hématome épidural cervical posttraumatique est une pathologie rare. Son incidence varie entre 2,5% [1] et 7,5% [2]. Il entraine une compression médullaire dans 59% des cas [1] et est responsable de troubles neurologiques sévères parfois irréversibles. C’est une pathologie grave qui justifie plus souvent un traitement chirurgical. La rapidité de la résorption l’hématome, observée chez notre patient est extrêmement rare. Sur une revue de la littérature entre 1999 et 2019, nous avons pu répertorier 6 cas dont le nôtre (tableau I). Il y avait une parité homme-femme. L’âge moyen était de 40,1 ans. En dehors de notre observation qui est le plus jeune cas de cette affection décrite dans la littérature, les limites d’âge était de 27 [3] et 76 ans [6]. Le délai de résorption allait de 6 jours [3] à un mois [5;7] supérieur aux 4 jours trouvé chez notre patient. Une étude américaine en 2017 avait établi le profil du patient susceptible de présenter un hématome épidural cervical traumatique [1]. Il s’agissait d’un caucasien de sexe masculine dans la cinquantaine, victime d’un accident de la route [1]. Plusieurs types de mécanisme de traumatisme cervical responsables d’un hématome épidural spontanément régressif ont été décrits [3; 4; 5; 6; 7]. Aucun ne porte sur un accident de sport de contact comme dans notre observation. Le mécanisme du traumatisme ne définit pas nécessairement le type de lésion. Un hématome volumineux avec une compression médullaire peuvent se voir au décours d’un traumatisme mineur [1]. L’hématome peut survenir de foyers de fractures vertébrales ou d’une rupture de vaisseaux épiduraux. Cette seconde hypothèse concerne notre patient qui ne présentait pas de lésion ostéo-ligamentaires vertébrales. Si la physiopathologie de la survenue de l’hématome est connue, le mécanisme de sa résorption reste encore hypothétique. Le secteur épidural est un espace de glissement. Certains auteurs évoquent l’implication de la graisse épidurale ou le passage à travers les foramens intervertébraux [8]. Nous pensons que la combinaison de ces deux phénomènes associés à l’effet de la gravité y jouerait un rôle déterminant. Ces hypothèses ne sont pas suffisantes pour expliquer une résorption rapide de l’hématome en quelques jours. L’IRM est un examen important au diagnostic de la maladie. Elle permet aussi de rechercher son étiologie (lésions vertébrales, discoligamentaires ou vasculaires). La TDM, de par sa disponibilité son coût et la rapidité de sa réalisation font d’elle le premier examen demandé (Figure 1.A 1 B). Si elle a une bonne résolution sur les fractures vertébrales, elle est moins performante pour détecter les lésions discales et ligamentaires. Les limites entre la chirurgie et le traitement conservateur ne sont pas claires. En général, dès que l’hématome est diagnostiqué, la chirurgie est indiquée pour les patients neurologiques. La plupart des résolutions spontanées d’un hématome épidural cervical traumatique a été observée chez les patients qui avaient refusé la chirurgie [4; 5; 6]. Le traitement conservateur n’est proposition de première intention. Un hématome occupant moins d’un tiers du diamètre du canal rachidien est moins compressif sur la moelle et donc peu symptomatique. Les patients dans ce contexte peuvent bénéficier d’un traitement conservateur mais sous surveillance médicale. Tout comme notre patient, ces cas ont été rapportés par deux auteurs [3; 7]. L’indication chirurgicale prendra compte du statut neurologique du patient, de la taille et du siège de l’hématome avec l’existence d’une compression médullaire et de lésions rachidiennes instables. Ces éléments réunis aideront en cas de chirurgie au choix de la voie d’abord et à la technique à utiliser.

CONCLUSION

La chirurgie n’est pas parfois sans complications. L’indication d’une évacuation chirurgicale d’hématome épidural cervical traumatique doit s’appuyer sur un faisceau d’éléments cliniques et radiologiques afin de donner à certains patients la chance d’une guérison sans chirurgie. Des cas de régression totale sans séquelles sous traitement conservateur existent.

Références:

1. Ricart PA, Verma R, Fineberg SJ and al. Post-traumatic cervical spine epidural hematoma: Incidence and risk factors. Injury.2017;48(11):2529-2533.
2. Kreppel D, Antoniadis G, Seeling W. Spinal hematoma: a literature survey with meta-analysis of 613 patients. Neurosurg Rev.2003;26:1-49.
3. Lefranc F, David P, Brotchi J, De Witte O. Traumatic epidural hematoma of the cervical spine: magnetic resonance imaging diagnosis and spontaneous resolution: case report. Neurosurg.1999;44(2):408-10.
4. Kim IY, Kim SH, Kim JH, Lee J.K. Rapid spontaneous resolution of a traumatic cervical epidural haematoma. Br J Neurosurg.2005;19:451-452.
5. Fattahi A, Taheri M. Spontaneous resolved cervical spine epidural hematoma: A case report. Surg Neurol Int.2017;8:183.
6. Nishina M, Watanabe HA.Traumatic Cervical Epidural Hematoma that Showed Rapid Progression and Significant Improvement Without Surgery. Shimane J Med Sci.2017;34 :85-88.
7. Hwang EH, Park CY, You NK, Kim SH, Cho KH. Traumatic C1-C3 Spinal Epidural Hematoma Presented with Occipital Neuralgia. The Nerve.2018;4(2):90-91.
8. Yi KC, Paeng SH, Jung YT and al. Spontaneous Resolution of a Traumatic Lumbar Epidural Hematoma with Transient Paraparesis. The Nerve.2016;2(2):71-73.

Illustration 1: remapath2031f
Illustration 2: hematome1
Illustration 3: hematome2
Citer l'article: DIALLO M, TOKPA A, SOGOBA Y, DIALLO O, KANIKOMO D. Hématome épidural cervical traumatique rapidement résolutif : cas clinique et revue de la littérature. Remapath. 2020;5:13-15
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Classé dans : REMAPATH N°5