REMAPATH, N° 4: L'editorial

Le numéro de REMAPATH qui vous est présenté aborde des sujets très divers qui illustrent bien des problèmes importants de santé publique. Trois d’entre eux concernent des pathologies hémorragiques : transfusion sanguine en neurochirurgie, complication hémorragique mortelle d’une morsure de serpent et mise au point sur la prise en charge de l’hémophilie au Mali, point sur lequel nous aimerions insister.

L’hémophilie est une maladie ubiquitaire qui, dans le monde entier et quelle que soit l’ethnie, touche à la naissance un enfant sur 10 000 soit un garçon sur 5000. Sur un pays de 18 millions d’habitants comme le Mali, on estime donc qu’il existe 1500 à 2000 patients hémophiles. Jusqu’en 2012, très peu de cas, une quinzaine environ, avaient été diagnostiqués au Mali. Les conséquences de cette carence diagnostique sont dramatiques : décès lors de circoncisions, décès après traumatisme ou plaie même d’apparence minime et atteintes articulaires graves conduisant à des handicaps très sévères chez des enfants ou des adultes jeunes. Ce fut tout à l’honneur du Dr Yacouba Diallo et de son équipe que de s’attaquer à ce problème, en collaboration avec l’équipe du Centre Régional de l’hémophilie de Montpellier (France), sous l’égide de la Fédération Mondiale de l’Hémophilie (WFH : World Federation of Hemophilia). La première étape a été un travail de formation des professionnels de santé, dont les biologistes, de façon à permettre un diagnostic biologique de qualité, indispensable à une prise en charge adaptée des patients. En parallèle, Grâce à un travail de terrain avec toutes les personnes impliquées dans le domaine de la santé, associé à une stratégie efficace de communication, une information large a pu être mise en place de façon à repérer les patients non connus éventuels et surtout les orienter vers une structure de diagnostic. Ceci a permis de diagnostiquer plus de 180 patients, chiffre en permanente évolution. Les retombées de ce travail sont majeures, puisqu’elles concernent la mise en place d’une prise en charge thérapeutique efficace pour ces patients. Celle-ci repose sur l’utilisation de concentrés de facteurs anti hémophiliques A ou B qui ont le malheur d’être particulièrement coûteux. C’est là que le rôle de la WFH est crucial, car cette fédération bénéficie de dons importants de produits par l’industrie. La WFH les distribue gratuitement ensuite dans les pays émergents au prorata du nombre de patients diagnostiqués. Ainsi, pour la première fois, les hémophiles maliens ont pu bénéficier de traitements modernes. Ils ne sont plus exclus des soins, ce qui va permettre de réduire considérablement la mortalité et d’éviter les handicaps graves. Car un enfant hémophile correctement traité, comme le sont les enfants maliens qui ont pu être diagnostiqués, peut suivre une scolarité normale, jouer sans crainte avec ses camarades, faire une formation professionnelle et avoir une intégration sociale conforme à ses aspirations.
Les retombées de ce travail s’étendent bien au-delà de l’hémophilie : en mettant en place des structures modernes de diagnostic des syndromes hémorragiques, c’est tout le système de santé qui est amélioré. On pense au grave problème des complications hémorragiques obstétricales, encore fréquemment mortelles, à la prise en charge des hémorragies péri-opératoires, évoquées dans l’un des articles de la revue, aux désordres hémorragiques engendrés par de nombreuses maladies, voire de cas plus rares mais tout aussi dramatiques telles les morsures de serpent dont un exemple est fourni ici. Leur diagnostic en est difficile car certains venins entraînent des activations extrêmes de la coagulation, responsables de CIVD alors que d’autres entraînent des hyperfibrinolyses de traitement totalement différent. Un traitement non adapté s’avère le plus souvent être une catastrophe.
S’il est important de se retourner pour voir le grand chemin parcouru, il est encore plus nécessaire d’envisager l’avenir. Il passe par le dépistage d’un plus grand nombre de patients suspects d’hémophilie, par la mise en place, avec l’association Malienne des patients, d’une centre moderne de traitement de l’hémophilie doté du matériel nécessaire et composé d’une équipe pluridisciplinaire de diagnostic et traitement des maladies hémorragiques tant constitutionnelles qu’acquises et capable de produire des activités de recherche dans ce domaine.
Enfin, au-delà de la satisfaction du service rendu aux patients et à la population, nous voudrions ajouter celle de voir dans chaque Congrès International, le Mali tenir une place grandissante parmi les pays ayant pris en charge et structuré les soins aux patients atteints d’hémophilie ou d’autres maladies hémorragiques.

Profésseur Jean-François Schved