Qualité des produits sanguins basée sur trois paramètres hématologiques au Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS) de Bamako.

Amadou B. DIARRA, Office national de la santé de la reproduction, Hamdallaye ACI 2000. Téléphone :+22366761164 Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.  

Introduction :

Acte thérapeutique essentiel sur le continent Africain en raison de la fréquence d’anémies de diverses origines, la transfusion sanguine comporte des risques au demeurant élevés [1]. Au  Mali, comme dans beaucoup de pays Africain au Sud du Sahara, les anémies constituent les principaux motifs de transfusion sanguine dans les structures de soins [2;3].la transfusion sanguine, comporte des risques aussi bien chez le donneur que chez le receveur. L’usage de cette thérapeutique est sans cesse croissante au Mali en témoigne l’évolution du nombre d’unités de poches de sang transfusées qui est passé de 14047en 2007 à 22522 en 2019 [4]. Cette augmentation des besoins pose le problème de disponibilité de produits sanguins, affectant ainsi la qualité desdits produits puisque le recours au don de sang concerne essentiellement la famille à travers le don de compensation.

La sélection des donneurs est basée sur le questionnaire pré-don et l’entretien médical, le but de cette sélection est entre autre de réduire les risques infectieux liés à la transfusion sanguine mais également de garantir la qualité des Produits Sanguins labiles (PSL) à transfuser. Après cette sélection médicale des donneurs, des examens biologiques permettent de dépister les agents pathogènes transmissibles par le sang mais aucun examen hématologique n’est effectué pour vérifier la qualité des PSL. Cependant, il est d’importance capitale que les ur  paramètres hématologiques soient normale notamment l’hémoglobine afin d’assurer une efficacité thérapeutique. C’est pourquoi nous avons effectué cette étude dont l’objectif était d’évaluer la qualité du sang distribué par le CNTS basée sur les taux d’hémoglobine, d’hématocrite et le nombre de globules rouges chez les donneurs de sang.

Matériel et Méthodes :

Notre étude s’est déroulée au Centre National de Transfusion Sanguine de Bamako, structure chargée de la collecte, du traitement et de la distribution des produits sanguins dans les établissements de santé de Bamako et  environs. Il s’agissait d’une étude prospective transversale, qui s’est étalée sur une période de 3 mois, d’octobre à décembre 2019.

Nous avons inclus dans cette étude les donneurs de sang sélectionnés au hasard parmi l’ensemble de ceux qui sont venus au CNTS pendant la période d’étude, répondant aux critères de don de sang et ayant donné leur consentement libre et éclairé. Les sujets inaptes au don de sang n’ont pas été pris en compte dans cette étude.

Les donneurs étaient constitués d’une part de sujets volontaires et bénévoles, ces derniers étant définis comme ayant donné leur sang de façon altruiste sans autre forme de compensation, d’autre part de donneurs de « remplacement » (donnant leur sang pour un membre de leur famille ou un proche, ou lors des recrutements dans l’armée, ou lors des bilans de visites médicales des étudiants).

En l’absence de données fiables sur la qualité des produits sanguins, nous assumons que 50% des dons répondent aux critères de qualité, en appliquant la formule de Daniel Schwartz avec une marge d’erreur de 6%, N =   nous aurons besoin de traiter au minimum 267 unités de sang pour répondre aux objectifs de l’étude.

Considérations éthiques : Le consentement éclairé écrit de tous les participants a été sollicité et obtenu après explication du but et des procédures de l’étude en langues locales ou en français si nécessaire. Aucun participant de l'étude n’a été identifié par son nom dans les rapports et publications à partir des informations collectées lors de l'étude. Tous les identifiants personnels ont été enlevés lors de la saisie des données à l'ordinateur.

Les résultats des examens ont été annoncés aux donneurs dans la discrétion pour garantir la confidentialité. Tous ceux qui avaient des problèmes ont été référés aux médecins pour un bilan complémentaire et une prise en charge appropriée.

Techniques d’études :

Chez le donneur de sang, un prélèvement de sang a été effectué sur un tube Éthylène Diamine Tetra Acétique (EDTA) juste avant le don, concernant les poches de sang total non validées, elles ont été pesées et les volumes estimés avant un prélèvement sur tube EDTA.

L’hémogramme a été réalisé à l’aide d’un automate Pentra ES 60^TM, (HORIBA Médical) L’automate utilisé donne directement les paramètres hématologiquesnotamment (le taux d’hémoglobine, le tauxd’hématocrite et lenombre de globules rouges).

Analyses statistiques

Les données ont été saisies et analysées sur Statistical Product and Service Solutions (SPSS) 12.0.Le test statistique utilisé a été l’ANOVA pour comparer les moyennes des paramètres hématologiques entre les différents groupes. Le seuil de signification a été fixé à p ≤0,05.

Résultats

Au total 334 donneurs de sang et 76 poches de sang ont été inclus dans cette étude. Les donneurs de sang de notre échantillon avaient un âge moyen de 32 ans (âge minimum=18ans et maximum =56ans) et le sexe masculin était majoritaire avec 87,3 % (figure 1). Le taux moyen d’hémoglobine chez les donneurs volontaires était de 13,32 g/dl contre 13,63 chez les donneurs familiaux (tableau 1) La moyenne du taux d’hémoglobine chez les donneurs de sang était de 13,4g/dl  contre 12,29 g/dl dans les poches destinées à la destruction, celle de l’hématocrite était de 41,1% chez les donneurs (tableau 2) et de 37,0% pour les poches de sang(tableau 3). Quant au nombre de globules rouges il était de 4,66*10⁶/mm³ et de 4,06*10⁶/mm³ en moyenne, respectivement pour les donneurs et pour les poches de sang. Quelque soit le nombre de don effectué par les sujets enrôlés dans notre étude, il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les moyennes des différents paramètres étudiés (tableau 2) : taux d’hémoglobine, taux d’hématocrite sauf pour le nombre de globules rouges (respectivement p=0,1 ; 0,4 et 0,09).

Dans notre étude, 21% des poches non validées avaient un poids inférieur ou supérieur aux normes acceptés au CNTS du Mali (300g à 510g). Les taux moyens d’hémoglobine et d’hématocrite ainsi que le nombre de globules rouges de ces poches étaient légèrement inferieur comparés aux poches dont le poids était compris entre 300 et 510g. Cependant les différences des paramètres hématologiques n’étaient pas statistiquement significatives (respectivement p=0,3 ; 0,4 et 0,3).

Discussion

Pendant les trois mois d’étude, 334 donneurs de sang, répondant aux critères de don après une sélection médicale ont été tirés au hasard,  prélevés  sur  tubes pour les différents examens (immuno-hématologique, sérologiques et hématologiques), puis 76 poches de sang total sélectionnées au hasard, qui après une qualification biologique appropriée dont le dépistage des infections transmissibles par la transfusion étaient destinées à la destruction pour diverses raisons (volume des poches insuffisants ou excessif, présence de marqueurs sérologiques etc.). Ces poches de sang total ont été pesées, les volumes estimés avant l’évaluation des paramètres hématologiques.

La faible taille de notre échantillon nous a conduit parfois à des regroupements de classes afin d’utiliser les tests statistiques appropriés. Malgré l’effectif réduit, ce travail a eu le mérite de déterminer pour une fois les paramètres hématologiques chez les donneurs de sang au CNTS de Bamako.

La répartition par âge a montré que les donneurs de sang étaient jeunes et majoritairement des hommes. En effet, le sang est généralement donné par les hommes au Mali en raison des critères d'exclusion, nombreux pour les femmes. Sont exclus du don de sang : les femmes enceintes, les femmes allaitantes et les femmes en période de menstruation. Les donneurs sont majoritairement ceux de la famille/remplacement 50,3% (168/334) bien que des efforts ont été faits pour inverser la tendance, la proportion de donneurs volontaires réguliers reste faible.

Il y a un besoin urgent de développer des moyens innovants pour recruter et retenir les donneurs de sang volontaires car ils sont à faible risque d'infections transmissibles par transfusion [5].

Majoritairement, nos donneurs de sang étaient des donneurs de compensation (familiale et occasionnelle) avec 53,6% (179/334) contre 46,4% (155/334) pour les donneurs volontaires. Cette tendance à été observée dans les études précédentes au CNTS de Bamako [6], cette situation nous incite à développer des stratégies de recrutement et la fidélisation des donneurs volontaires et bénévoles, qui présentent moins de risques surtout sur le plan infectieux[7-6]. Dans notre échantillon, le statut du donneur n’affecte pas les paramètres hématologiques évalués car il n’yavait pas de différence statistiquement significative (p<0,0064). Cependant, il est légèrement inférieur chez les donneurs occasionnels et ceci pourrait s’expliquer par le nombre faible de donneurs occasionnel dans l’échantillon. Au CNTS de Bamako, il n’existe ni recouvrement de coût sur les poches de sang distribuées, ni rémunération. Il existe deux types de donneurs : les donneurs volontaires bénévoles (Individus venant d’eux-mêmes donner leur sang soit au CNTS soit en collecte mobile.) et des donneurs de compensation qui représentent la majorité de nos donneurs (familiaux de remplacement pour un parent malade,et pour la constitution de dossiers médicaux, de visite de réengagement chez les militaires, appelé donneurs occasionnels).

Le diagnostic de l'anémie est un aspect important de la pratique de l'hématologie [8] en particulier chez le donneur de sang. La première étape consiste à décider si le donneur est, en fait, anémique ou pas à travers le dépistage rapide de l’hémoglobine pré-don. Le résultat de cet examen combiné à un examen physique sommaire et un interrogatoire  déterminera l’aptitude du candidat au don ou pas. L’absence de cet examen hématologique systématique au CNTS de Bamako, nous incite à se poser la question sur la qualité du produit fournie.

La valeur seuil de l’hémoglobine généralement recommandée pour être éligible au don de sang est ≥ 13g/dl pour les hommes et ≥ 12g/dl pour les femmes [9]. L’anémie étant définie comme inférieure à ces valeurs [2] Dans notre étude, la moyenne des paramètres hématologiques déterminée était de 13,4g/dl ; 41,1% et 4,66*10⁶/mm³ respectivement pour le taux d’hémoglobine, le taux d’hématocrite et le nombre de globules rouges. Quel que soit le nombre de don effectué par les sujets enrôlés dans notre étude, il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les moyennes des différents paramètres étudiés (tableau 2). Pour ce qui concerne la moyenne du taux d’hémoglobine, ce taux est comparable à ceux obtenus par Kwenti et Sweegers [10-11], à l’opposé, il est nettement supérieur à celles rapportées dans les études de Toumi, N H et Zaccheaus Jeremiah [12-13]. Nous avons  majoritairement des donneurs familiaux et occasionnels que de donneurs volontaires, il ressort que le statut n’affecte pas les paramètres hématologiques évalués car pas de différences statistiques. Cependant il est légèrement inférieur chez les occasionnels même si la différence n’est pas significative (tableau1). Ceci pourrait s’expliquer par le nombre faible de donneurs occasionnels et de la petite taille de notre échantillon d’étude.

Différentes études réalisées au Mali et ailleurs montrent que les donneurs de compensation présentent plus de risque pour le receveur que les donneurs volontaires [6;14],  cela est attesté aussi pour la qualité des produits sanguins [5], en effet 21% des poches de sang collectées ne sont pas validées pour diverses raisons, entre autres la présence de marqueurs infectieux, la mauvaise phlébotomie, volume excessif ou insuffisant [7], cela contribue à accentuer le déficit en stock de produits sanguins destinés à la prise en charge des patients nécessitant une transfusion et un manque à gagner pour la structure en termes d’intrants utilisés. Pour autant, la moyenne des paramètres évalués lors de cette étude ne sont pas mauvais en soit. Toutefois, d’énormes efforts devraient être déployés pour recruter et fidéliser les donneurs volontaires et bénévoles afin d’améliorer et de renforcer la disponibilité et la qualité des produits sanguins dans nos structures de soins.

Des étudesultérieures rétrospectives, prospectives avec une taille d’échantillon beaucoup plus grande pourraient nous édifier davantage sur la qualité des produits sanguins distribués par le CNTS

Conclusion : Ce travail préliminaire d’évaluation basé sur 3 paramètres hématologique, nous permet de dire que les PSL fournis par le centre national de transfusion sanguine étaient de qualité comparée aux normes en vigueur. Toutefois, il convient donc d’intensifier les actions de promotion en faveur du don volontaire et bénévole, et renforcer la sélection des donneurs de sang afin d’assurer la production de produits de qualité.